Chapitre 4

J'étais enfin à la maison, papa et maman n'étaient pas rentrés. Je n'avais donc plus aucune peur de me faire engueuler et allais directement dans ma chambre. Je fis mes devoirs sans vraiment être concentrée. La rencontre que j'avais fait ce soir me travaillait. Gabriel. Il s'appelait Gabriel et il m'avait sauvé la vie. J'entretenais pour lui une mini fascination. C'était bizarre pour moi. Ne pouvant me concentrer réellement je pris un bouquin et m'affalai sur mon lit. C'est le dernier souvenir que j'eus de cette journée dans le monde des vivants. La lumière aveuglante et le monde des morts se présentait à moi pour la seconde fois.

 

Le noir complet d'abord. Pas un petit faisceau de lumière. Tellement noir que ça en devenait flippant. Ce noir n'était pas caractéristique de la nuit mais des ténèbres, des enfers, du moins c'est ce que je pensais. C'était comme si j'étais enfermée dans une boîte sans issue de secours. Sans rien pour en sortir. Je sentais les gouttes perler à mon front. Le stress montait en moi et le rouge me montait aux joues. J'avais chaud, je me sentais mal. Habituellement je n'étais pas claustrophobe mais c'était vraiment comme si un poids appuyait fort dans ma poitrine pour m'empêcher de respirer. Comme un stress pos traumatique. On m'en avait parlé une fois mais je ne pensais jamais le vivre. Le traumatisme était-ce Adèle ? Lorsque je pensai à ma défunte soeur la lumière aveuglante qui m'était apparut la première fois apparut à nouveau. Sans hésiter je courut vers la lumière et ce fut comme si elle m'aspirait. Quand la boîte de tout à l'heure était noire, le lieu où je me trouvait était aussi éclatant que la lumière qui m'y avait amenée.

Le même brouillard que la dernière fois, la même lumière aveuglante. Le même flou total. C'était magnifique. Ce lieu brillait de toutes parts et on entendait un brouhaha continue. Ce n'était pas un brouhaha désagréable mais un brouhaha qui traduisait une certaine paix dans ce monde. Une harmonie régnait en ces lieux. Les gens pullulaient, j'avais l'impression d'être dans une huche. Ils passaient et disparaissaient aussi vite. Parfois ils discutaient et participaient au brouhaha ambiant.  Quelque chose me troubla comme la première fois. Chaque fois qu'ils étaient à quelques mètres de moi, ils me jetaient des regards. Soit de méfiance, soit sympathique, soit étonnés. Leurs regards étaient parfois même remplis de reconnaissance. Je fus troublée de tous les sentiments différents qui me traversaient. Quand certains me scrutaient avec méfiance j'avais peur, quand d'autre semblaient accueillants ou étonnés je ne savais plus où me mettre. J'avais l'impression d'être une bête de foire que tous le monde observait. Alors que je me sentais toujours aussi perdue et mal à l'aise dans ce monde nouveau pour moi j'abordais un vieil homme qui passait en me regardant :

-Excusez moi, où sommes nous ?

Il sursauta mais ne sembla pas m'entendre ou me comprendre. L'homme me regarda d'un air vide qui me remua et m'énerva. Je ne comprenais rien à ce qui se passait autour de moi. Je voulais comprendre mais vu la réaction du vieillard je n'avais pas le droit à une explication semblait-il. Cette situation m'énervait. A quoi bon m'amener ici ? A quoi bon m'amener quelque part où je peux voir Adèle si on me regarde comme un animal et que je ne peux pas communiquer avec les gens ? A quoi bon ?... A part à me torturer l'esprit, prendre mon coeur, me le briser en mille morceaux et me le rendre comme si de rien était. Je sentais les larmes monter et je tentais de les refouler. C'était de la torture.

Je me mis à courir dans l'espoir de m'échapper. C'était mon issue de secours. Je fuyais. Je me prenais tous les cinq mètres quelqu'un de pleins fouet mais ils ne bronchaient pas. C'était vraiment effrayant. Pas même quelqu'un pour me demander des excuses. J'avançais sans savoir où j'allais. Je courais. Je ne voulais penser à rien d'autre. Je déconnectais mon cerveau et mes émotions, du moins j'essayais mais les questions ne cessaient de revenir. Où est ce que je me trouvais ? Pourquoi étais-je ici ? Pourquoi les gens me connaissaient ? Pourquoi ne parlaient-ils pas ? Pourquoi je voyais Adèle ? Pourquoi avait-elle disparut en me voyant ? Pourquoi moi ? C'était de la torture émotionnelle quand je croyais me reconstruire enfin. Ca avait été dure mais je croyais qu'Ambre et Marina arrivaient à me donner l'équilibre. Il fallait croire que non. Qu'à la moindre embuche je rechutais. J'étais terriblement faible et je détestais ça. Peu de personnes me connaissaient faible. Jamais je n'ai pleuré devant les gens que j'aime depuis mon adolescence. Peut-être que quelques larmes sont sorties à l'enterrement d'Adèle mais très peu malgré la peine qui me dévastait. C'était un signe de faiblesse, les larmes, et psychologiquement c'était pire de me montrer ainsi devant ceux que j'aimais. Seul Ambre m'a vue pleurer une fois. Pas même Marina.

Le souffle court je m'arrêtais. Ce monde était infini. Courir ne servait à rien pour en sortir. Je ne le comprenais que maintenant. Il y avait un rocher à côté de moi, je m'assis dessus et me mis à pleurer. Je ne pouvais plus m'arrêter. Tout ce que j'avais refoulé refaisait surface. J'étais incontrôlable. Je posais ma tête entre mes genoux et me balançais d'avant en arrière attendant de repartir de cet enfer immaculé. Un vent frais me fit frissonner. Comme si quelqu'un était près de moi. Je restais à me balancer pensant rêver pendant quelques instants mais je sentais toujours une présence. Je sortis ma tête de mes genoux avec prudence. Mes yeux étaient carrément enfoncés et les larmes continuaient de couler : je le sentais. Quand j'ouvris les yeux la lumière m'aveugla encore davantage comme si la silhouette que je distinguai a coté était l'origine de cette clarté. Comme si c'était un ange. J'eus un rictus à cette pensé. Les anges n'étaient bons que pour la Bible. Des anges comme Gabriel n'existent pas... J'eus une pensée pour mon sauveur qui me mis le doute quelques secondes avant de repartir dans la critique religieuse que je commençais à l'instant. Je m'étais royalement fais avoir ! Dieu est un enfoiré ! Il est là quand tout va bien et dés qu'il se passe une merde dans ta vie il n'est plus là ! C'est ça un ami ? C'est ça la religion chrétienne ? C'est ça la personne incroyable présentée par les bouquins de cathé ? C'est pour un ami comme lui que des bonnes soeurs comme à Charle Guypé donnent leurs vies ? C'est pitoyable. Tout n'est que mensonge ! Quand Adèle est morte mon monde s'est écroulé et mes appels au secours ne servirent à rien. Les paroles sont bien belles mais les actes ne sont pas là. Comment voulez vous avoir la foi après ? Le temps que ma colère s'exprime la lumière aveuglante s'était estompée et je voyais son visage. C'était Adèle. Encore une fois elle me regardait, la main posée sur mon épaule. Elle ne m'avait jetée qu'un petit coup d'oeil et son visage se durcit d'un coup. Je connaissais ce regard. Son regard remplit de reproches. Son regard énervé. Son regard transperçant. Le pire regard qui soit. Quand elle me le lançait ça m'achevait. Elle prononça un mot. Sa voix était glaciale :

-Pars !

Je me retrouvais en pleur sur mon lit, livre ouvert à la dernière page que j'avais lu quelques temps plus tôt. Rien avait bougé dans ma chambre. Papa et maman n'étaient toujours pas rentrés. C'était comme si rien ne s'était passé. Comme si le temps avait cessé de tourner.