Chapitre 1
https://www.youtube.com/watch?v=ZaBcs0NEc6w&index=10&list=PLCCF632C039EE3596
Je l'avais revue. Elle était toujours aussi magnifique : même la mort n'avait pas reussi à lui enlever ça. Avec cette pensée, j'émis un sanglot inquiet. C'était inattendu, mais la revoir me rappelait à quel point elle me manquait. Deux minutes me suffirent pour me remettre et une énorme mouvement deni se fit en moi. Les parents n'étaient pas là : je pouvais donner libre cours à ma colère. J'attrapai mon énorme bouquin de mathématiques pour le balancer rageusement à travers la pièce. Puis ce fut comme si le temps s'accélerait, tout ce qui me passait sous la main finissait contre le mur, en une valse folle de papier, oreillers ou vêtements. Ma rage était telle que je ne me rendais pas compte de ce que je faisais. Mon regard tomba sur mon journal intime, grâce auquel j'avais réussi à maintenir la tête hors de l'eau pendant cette période sombre. Le briquet de mon père était posé sur le rebord de la fenêtre, sans hésiter je brulai une à une les feuilles écrite par la fille torturée que j'étais devenue. L'odeur de cendres me ramena à la réalité et, sans prévenir, je fondis en larmes. Des larmes de desespérée cette fois.
Pourquoi moi ? Mes parents, mon frère, si seulement ils avaient eu la chance de la revoir ! Je me sentais coupable, étrangement comme si je ne méritais pas de la voir. Elle me manquait tellement, mais en même temps j'avais déjà eu la pensée que je ne resterais plus dans l'ombre de ma grande soeur. J'avais honte de moi, j'étais accablée pas plein de sentiments contradictoires. Mais peut-être avais-je rêvé ? Pourquoi m'était-elle apparue et que m'arrivait-il ? Je ne comprenais rien à rien. J'avais à peine eu le temps de voir son visage. Cette histoire était comme un couteau qui me frappait au coeur alors que je me sentais peu à peu remise de son absence. C'était comme si on s'acharnait sur moi, qu'on m'entrainait au fond d'un puit.
Virgile a dit que même la blessure vit au fond du coeur. Adèle, ma blessure, j'éprouvais presque un peu de colère contre elle. Quoiqu'il y ait après la mort, elle avait du voir dans quel état elle m'avait laissée. Elle n'avait pas le droit de me faire ça, de me rouvrir cette blessure. Partir sans explication est une chose, revenir sans prévenir en est une autre. Surtout qu'elle ne ne nous sera jamais totalement rendue complètement.
Alors je dus faire semblant. Porter un masque. Comment aurais-je pu regarder ma famille dans les yeux ? Grand-mère en serait morte : j'ai toujours su qu'Adèle était sa petite-fille préférée. Tant de mystères entouraient sa mort et le fait que j'ai pu la revoir ne me donnait pas le droit de toucher au scénario qu'elle avait soigneusement élaboré. A l'extérieur, je restais celle que j'étais devenue depuis sa mort : une jeune adolescente qui se refugiait dans le travail, coûte que coûte et dans les efforts de ses meilleurs amis pour la maintenir à flots. J'avais perdu la foi, mais pas mes raisons de vivre. Je ne le dirais jamais vraiment à mes proches mais si j'avais décidé de ne pas suivre Adèle dans son entreprise c'est bien parce que je savais que certaines personnes avaient trop besoin de moi sur cette Terre. J'aurais préféré que ma grande soeur pense à cela avant de faire le grand saut. Mais au fond de moi-même, j'émettais théorie sur théorie. Quand j'eus fait le tour de toutes les théories possibles, je recommençais, inlassablement. Je lui devais bien ça. J'ai plusieurs fois essayé de retourner dans le monde des morts, de passer ce pont mais on ne m'y a pas acceptée. Cela avait été comme si j'essayais d'enfoncer un mur, pendant plusieurs semaines j'enchainais les tentatives inutiles. Alors je gardais enfouis au plus profond de moi ce secret qui me devorait et que personne n'aurait su m'arracher.
Je fus assaillie par l'insomnie et je prenais des médicaments pour tenir le coup. Tout en faisant semblant de rester comme avant, je n'étais plus que l'ombre de moi-même. Je ne sais pas si ma soeur a essayé de me redonner du courage mais je crois qu'elle a sûrtout réussi à anéantir la force que j'avais retrouvée. Malgré moi, je ne pouvais m'empêcher de lui en vouloir un peu tout en ne pouvant réprimer une curiosité presque malsaine par rapport à son retour. J'achetai un nouveau carnet mais qui ne me servait pas de journal intime cette fois : mes théories étaient écrites nourries par quelques schémas. Lorsque je ne travaillais pas, j'étudiais le cas de ma soeur. Même ma famille trouvait étonnant que je travaille autant ce qui, je dois l'avouer, me vexa un peu. Même le garçon que j'avais en tête depuis quelques mois étaient moins dans mon esprit, je devais vraiment m'en remettre : soit y retourner, soit oublier. Mais la deuxième option semblait si difficile ...