Blog

Chapitre 5

Je me levais brusquement et allais fermer à clef la porte de ma chambre. Je ne voulais pas que mes parents me voient craquer. Je suis comme ça mais je vous l'ai déjà expliquée dans ce monde parallèle. Dans cet enfer aux allures de paradis. Une fois cette précaution prise je m'affalai une nouvelle fois sur mon lit, agrippai mon oreiller et fourrai ma tête dedans. Une fois calé à l'endroit habituel, je le plaquai contre ma tête et me mis à pleurer toutes les larmes de mon corps. Ma gorge était serrée. Ca faisait mal. Terriblement mal. Aussi bien physiquement que moralement. Je m'accrochai à mon oreiller comme à ma bouée de sauvetage dans le noir de ma chambre. Le sang battait à mes tempes. Ma tête allait exploser alors que j'avais du mal à respirer. Mon portable vibrait sur la table de chevet depuis déjà cinq minutes mais je n'avais pas la force de répondre. J'étais là, sur mon lit, folle de rage. Folle de rage parce que j'étais faible. Folle de rage parce que chaque fois j'espérais et chaque fois mes espérances étaient brisées. Folle était le mot. C'était mon état psychologique. Je pris mon téléphone pour tout de même voir qui s'acharnait.

Six appels manqués : Ambre.

J'étais en colère contre elle. Pourquoi elle m'appelait ? Pourquoi appelait-elle alors que j'étais dans ma phase de dépression ? Qu'y avait-il de si important ? Elle avait toujours le don d'appeler dans ces moments là. Toujours le don d'appeler quand ça n'allait pas. Quand j'étais au fond du gouffre. Comment c'était possible ? J'en avait aucune idée mais cette fille était tellement douée qu'elle arrivait à savoir chaque fois que mon moral était au plus bas. Je l'aimais tellement pour ça mais la détestait aussi tellement. Pour la faire taire et faire taire ces vibrations agaçantes, je balançais furieusement mon téléphone. Il alla s'exploser contre la porte. Je me remis à pleurer. Cette fois pour le portable qui comme Adèle était bel et bien mort...

La porte d'entrée claqua. Quelqu'un venait de rentrer. Je n'étais plus seule. Je n'étais plus seule alors que c'était ce dont j'avais besoins. J'avais besoins de solitude après tout ce qui venait de se passer. La journée avait été éprouvante et je ne me sentais pas le courage d'affronter les questions quotidiennes de mes parents. Tu as fais quoi aujourd'hui ? Tu as eu des notes ? Les copines ça va ? Je me connaissais et savais que ça me ferait exploser d'entendre ça. Je voulais simplement la paix mais papa comme à son habitude vint frapper à la porte. Aujourd'hui il ne parvint pas à ouvrir : j'étais enfermée. Papa et maman détestaient que je fasse ça. La remarque de mon père de ne se fit donc pas attendre :

-Quand est ce que tu finiras par comprendre que ça ne sert à rien de s'enfermer Bénédicte ?!

Je levais les yeux au ciel et me mis sous ma couette. J'avais froid. C'était une de mes réactions à la tristesse. Le froid m'envahissait tout le temps : d'abord aux extrémités puis je me mettais pratiquement à grelotter.

Je dus finir par m'endormir car je me réveillai le lendemain matin calme et apaisée. Papa et maman ont sûrement du s'énerver hier mais je dormais tellement profondément que je n'ai vraiment rien entendu. Pour le coup je n'avais pas fait exprès. Je ne voulais pas les voir. Je ne voulais pas entendre l'une de leurs leçons de moral. Je ne voulais voir personne, pourtant j'avais école et ce matin nous n'avions pas de DS. C'était plutôt une bonne nouvelle : je pouvais aller à l'association, histoire de me calmer. Je sautai dans mes affaires, ramassai mes livres et cahiers, me changeai, pris une douche, me coiffai et sortit dans les cinq minutes. Direction l'association. Aider les autres me ferait le plus grand bien vu l'état d'esprit dans lequel j'étais. Ca me calmerait. J'étais bénévole une fois de temps en temps dans une association qui s'occupait des enfants ayant le cancer. Les voir, sourire, jouer, parler, comme si de rien n'était me redonnait de l'énergie. Ils étaient condamnés mais ils avaient une force incroyable pour leur âge. Jamais je ne les ai vu triste. Je me trouvais si ridicule à côté d'eux, je ne connaissais rien à la vie, je ne connaissais rien aux épreuves. Ils m'en faisaient prendre conscience plus d'une fois. En dix minutes j'étais arrivée à l'association. J'entrais dans les bâtiments quand je tombai sur madame Clerc :

-"Tu tombes très bien Bénédicte ! J'ai essayé de t'appeler hier soir mais je n'ai pas eu de réponse. Un jeune devrait passer dans la matinée, il aimerait s'engager à l'association. Est ce que tu seras là à dix heures pour lui faire visiter ? Je ne peux pas m'en occuper...

- Oui a priori je comptais rester jusqu'à midi, il n'y a pas de problèmes. Comment s'appelle-t-il ?"

Je voulais un minimum savoir à qui j'aurais à faire, je n'étais pas là pour lui faire passer un entretien et avais horreur de poser le genre de questions basiques : Tu t'appelles comment ? Tu as quel âge ?...

"-Gabriel ! Il s'appelle Gabriel ! Merci beaucoup ma grande..."

En savoir plus

Chapitre 4

J'étais enfin à la maison, papa et maman n'étaient pas rentrés. Je n'avais donc plus aucune peur de me faire engueuler et allais directement dans ma chambre. Je fis mes devoirs sans vraiment être concentrée. La rencontre que j'avais fait ce soir me travaillait. Gabriel. Il s'appelait Gabriel et il m'avait sauvé la vie. J'entretenais pour lui une mini fascination. C'était bizarre pour moi. Ne pouvant me concentrer réellement je pris un bouquin et m'affalai sur mon lit. C'est le dernier souvenir que j'eus de cette journée dans le monde des vivants. La lumière aveuglante et le monde des morts se présentait à moi pour la seconde fois.

 

Le noir complet d'abord. Pas un petit faisceau de lumière. Tellement noir que ça en devenait flippant. Ce noir n'était pas caractéristique de la nuit mais des ténèbres, des enfers, du moins c'est ce que je pensais. C'était comme si j'étais enfermée dans une boîte sans issue de secours. Sans rien pour en sortir. Je sentais les gouttes perler à mon front. Le stress montait en moi et le rouge me montait aux joues. J'avais chaud, je me sentais mal. Habituellement je n'étais pas claustrophobe mais c'était vraiment comme si un poids appuyait fort dans ma poitrine pour m'empêcher de respirer. Comme un stress pos traumatique. On m'en avait parlé une fois mais je ne pensais jamais le vivre. Le traumatisme était-ce Adèle ? Lorsque je pensai à ma défunte soeur la lumière aveuglante qui m'était apparut la première fois apparut à nouveau. Sans hésiter je courut vers la lumière et ce fut comme si elle m'aspirait. Quand la boîte de tout à l'heure était noire, le lieu où je me trouvait était aussi éclatant que la lumière qui m'y avait amenée.

Le même brouillard que la dernière fois, la même lumière aveuglante. Le même flou total. C'était magnifique. Ce lieu brillait de toutes parts et on entendait un brouhaha continue. Ce n'était pas un brouhaha désagréable mais un brouhaha qui traduisait une certaine paix dans ce monde. Une harmonie régnait en ces lieux. Les gens pullulaient, j'avais l'impression d'être dans une huche. Ils passaient et disparaissaient aussi vite. Parfois ils discutaient et participaient au brouhaha ambiant.  Quelque chose me troubla comme la première fois. Chaque fois qu'ils étaient à quelques mètres de moi, ils me jetaient des regards. Soit de méfiance, soit sympathique, soit étonnés. Leurs regards étaient parfois même remplis de reconnaissance. Je fus troublée de tous les sentiments différents qui me traversaient. Quand certains me scrutaient avec méfiance j'avais peur, quand d'autre semblaient accueillants ou étonnés je ne savais plus où me mettre. J'avais l'impression d'être une bête de foire que tous le monde observait. Alors que je me sentais toujours aussi perdue et mal à l'aise dans ce monde nouveau pour moi j'abordais un vieil homme qui passait en me regardant :

-Excusez moi, où sommes nous ?

Il sursauta mais ne sembla pas m'entendre ou me comprendre. L'homme me regarda d'un air vide qui me remua et m'énerva. Je ne comprenais rien à ce qui se passait autour de moi. Je voulais comprendre mais vu la réaction du vieillard je n'avais pas le droit à une explication semblait-il. Cette situation m'énervait. A quoi bon m'amener ici ? A quoi bon m'amener quelque part où je peux voir Adèle si on me regarde comme un animal et que je ne peux pas communiquer avec les gens ? A quoi bon ?... A part à me torturer l'esprit, prendre mon coeur, me le briser en mille morceaux et me le rendre comme si de rien était. Je sentais les larmes monter et je tentais de les refouler. C'était de la torture.

Je me mis à courir dans l'espoir de m'échapper. C'était mon issue de secours. Je fuyais. Je me prenais tous les cinq mètres quelqu'un de pleins fouet mais ils ne bronchaient pas. C'était vraiment effrayant. Pas même quelqu'un pour me demander des excuses. J'avançais sans savoir où j'allais. Je courais. Je ne voulais penser à rien d'autre. Je déconnectais mon cerveau et mes émotions, du moins j'essayais mais les questions ne cessaient de revenir. Où est ce que je me trouvais ? Pourquoi étais-je ici ? Pourquoi les gens me connaissaient ? Pourquoi ne parlaient-ils pas ? Pourquoi je voyais Adèle ? Pourquoi avait-elle disparut en me voyant ? Pourquoi moi ? C'était de la torture émotionnelle quand je croyais me reconstruire enfin. Ca avait été dure mais je croyais qu'Ambre et Marina arrivaient à me donner l'équilibre. Il fallait croire que non. Qu'à la moindre embuche je rechutais. J'étais terriblement faible et je détestais ça. Peu de personnes me connaissaient faible. Jamais je n'ai pleuré devant les gens que j'aime depuis mon adolescence. Peut-être que quelques larmes sont sorties à l'enterrement d'Adèle mais très peu malgré la peine qui me dévastait. C'était un signe de faiblesse, les larmes, et psychologiquement c'était pire de me montrer ainsi devant ceux que j'aimais. Seul Ambre m'a vue pleurer une fois. Pas même Marina.

Le souffle court je m'arrêtais. Ce monde était infini. Courir ne servait à rien pour en sortir. Je ne le comprenais que maintenant. Il y avait un rocher à côté de moi, je m'assis dessus et me mis à pleurer. Je ne pouvais plus m'arrêter. Tout ce que j'avais refoulé refaisait surface. J'étais incontrôlable. Je posais ma tête entre mes genoux et me balançais d'avant en arrière attendant de repartir de cet enfer immaculé. Un vent frais me fit frissonner. Comme si quelqu'un était près de moi. Je restais à me balancer pensant rêver pendant quelques instants mais je sentais toujours une présence. Je sortis ma tête de mes genoux avec prudence. Mes yeux étaient carrément enfoncés et les larmes continuaient de couler : je le sentais. Quand j'ouvris les yeux la lumière m'aveugla encore davantage comme si la silhouette que je distinguai a coté était l'origine de cette clarté. Comme si c'était un ange. J'eus un rictus à cette pensé. Les anges n'étaient bons que pour la Bible. Des anges comme Gabriel n'existent pas... J'eus une pensée pour mon sauveur qui me mis le doute quelques secondes avant de repartir dans la critique religieuse que je commençais à l'instant. Je m'étais royalement fais avoir ! Dieu est un enfoiré ! Il est là quand tout va bien et dés qu'il se passe une merde dans ta vie il n'est plus là ! C'est ça un ami ? C'est ça la religion chrétienne ? C'est ça la personne incroyable présentée par les bouquins de cathé ? C'est pour un ami comme lui que des bonnes soeurs comme à Charle Guypé donnent leurs vies ? C'est pitoyable. Tout n'est que mensonge ! Quand Adèle est morte mon monde s'est écroulé et mes appels au secours ne servirent à rien. Les paroles sont bien belles mais les actes ne sont pas là. Comment voulez vous avoir la foi après ? Le temps que ma colère s'exprime la lumière aveuglante s'était estompée et je voyais son visage. C'était Adèle. Encore une fois elle me regardait, la main posée sur mon épaule. Elle ne m'avait jetée qu'un petit coup d'oeil et son visage se durcit d'un coup. Je connaissais ce regard. Son regard remplit de reproches. Son regard énervé. Son regard transperçant. Le pire regard qui soit. Quand elle me le lançait ça m'achevait. Elle prononça un mot. Sa voix était glaciale :

-Pars !

Je me retrouvais en pleur sur mon lit, livre ouvert à la dernière page que j'avais lu quelques temps plus tôt. Rien avait bougé dans ma chambre. Papa et maman n'étaient toujours pas rentrés. C'était comme si rien ne s'était passé. Comme si le temps avait cessé de tourner.

En savoir plus

Chapitre 3

Les cours reprirent : les vacances étaient finis. Comme tous les matins je partais vers huit heure de chez moi et faisais le chemin à pied. J'étais l'une des rares chanceuses à ne pas prendre le métro dans mon lycée. Je ne comprenais vraiment pas comment ils faisaient tous pour faire leurs allers et retours aux heures de pointes. Tous, serrer les uns contre les autres, et avoir besoins de pousser ses voisins pour pouvoirs sortir à la bonne station... Ce n'était vraiment pas pour moi et j'habitais Paris depuis toujours. A huit heure vingt je retrouvais une partie de mes amis à la sortie du métro justement. Quand il pleuvait j'étais la seule tremper voir même dégoulinante, quand il neigeait j'étais la seule à avoir le manteau blanc et quand il faisait un cagnard pas possible j'étais la seule légèrement bronzée enfin si on peut appeler ça du bronzage... Tout est relatif ! Mes amis, eux, montaient les escaliers avec des têtes d'endormis le genre de tête qu'on voit puissance mille dans les wagons du métro... Bref, vous aurez compris je n'aime pas le métro ! Nous avions cent mètres encore à parcourir et nous étions au lycée. C'était un grand bâtiment blanc de sept étages avec des fenêtres rouge. On pouvait voir sur la devanture le nom "Charles Guypé" inscrit en rouge.  C'est un lycée privé, plutôt bonne réputation, cent pour cent de réussite au bac, des élèves qui intègrent les meilleurs écoles vous voyez le genre... Après il n'y a pas de mystère pour y arriver, ils n'y vont pas par quatre chemins, il faut bosser dur et la pression qu'on nous met est tout sauf ridicule. Seules les meilleurs restent. Charles Guypé est dirigé par des soeurs, assez coincées du coup il faut faire attention à tout : les tenus vestimentaires sont vérifiés aux millimètre près, le maquillage au gramme près... J'exagère un peu mais c'est presque ça ! Et bien sûre qui dit bonne soeurs à la tête de l'établissement dit ambiance assez catho autour. Pour ma part, ce n'est pas gênant : je crois profondément en Dieu. Je l'ai découvert réellement il y a deux ans environ et c'est lui qui m'a aidé à tenir quand Adèle est parti. A sa mort, je pensais que je m'éloignerais de Dieu mais ça a été tout l'inverse en réalit... Je suis désolée : il est huit heure vingt cinq, le cours va commencer, je finirais la présentation du lycée plus tard.

La première heure du lundi était toujours la plus pénible. Mes vingt minutes de marche m'avait réveillées mais pas assez il fallait croire pour suivre comme il se doit un cours d'éco donné par madame Leaubois. Ses cours à peine structurés auxquels personne ne comprenait rien étaient un véritable supplice. Sept heures par semaine avec elle vous imaginez. Le pire dans cette histoire je crois, c'est que l'éco, en soit, c'est super intéressant mais elle ne nous fait pas aimer la matière... Après cette heure incroyablement longue j'enchainais avec deux heures de maths. Monsieur Chibazé ! Ce prof était excellent. A mourir de rire vous imaginez même pas. Petit contraste avec Madame Leaubois si vous aviez pas remarqué. Les heures défilaient les unes après les autres avec des récréations entre les deux.

Les récréations se passaient toujours de la même manière, chaque jour de la semaine était destiné à un groupe d'amis différents. Je papillonnais entre les S, les L et les ES. J'avais trouvé une sorte de stabilité. J'avais bien mon meilleur ami Maxime que je ne voyais pas assez à mon gout parce que toujours fourré avec sa copine et pas dans ma classe mais je ne pouvais pas tout avoir. Je ne sais réellement pas comment j'aurais fait sans toutes ces petites têtes à la mort d'Adèle. Chacun, tous autant qu'ils étaient m'avaient aidés quotidiennement à sortir la tête de l'eau alors que je me sentais couler lentement. C'était les amis que tous le monde rêvaient d'avoir. Vraiment. Et je ne lance pas des fleurs facilement... Le schéma : lycée, devoirs, détente, dodo reprenais vite le dessus et ma vie reprenait sa monotonie habituelle.

 

Les semaines passaient et je ne retournais jamais dans ce monde si réel qu'était celui des morts, jusqu'à ce jour de décembre. C'était un jour comme les autres au lycée. Le coin des drogués était comme d'habitude peuplé de toutes sortes de junky. Le coins des pétasses et des mecs à putes comme je les appelaient avaient toujours leur partie de cours réservée et les autres se mélangeaient dans la masse de l'autre côté. La vie était ainsi dans les lycées parisiens. Ce jour là fut riche en émotion : Ambre, amie venait de se faire larguer par son copain. Un conard ! Comme les autres selon moi... Je l'avais retrouvée en pleurs à la sortie du lycée. Nous étions restées jusqu'à dix neuf heures environ à parler devant l'école fermée. Peu à peu les jeunes avaient vidé les lieux. Je n'avais pas l'habitude de rester si longtemps dehors : mes parents allaient m'engueuler mais rendre le sourire à Ambre valait le coup. Je pourrais me prendre toutes les baffes du monde ou me faire confisquer toutes sortes de choses-mes parents étaient inventifs- le sourire de mon amie valait ces sacrifices. Après avoir tourné en ridicule son ex et quelques éclats de rires nous rentrâmes chacune de notre côté. J'avais une vingtaine de minutes dans le froid encore avant d'être à la maison.

Histoire de couper, pour aller plus vite je pris une petite ruelle sur la droite. Mes parents m'avaient interdit d'y trainer mais il n'y avait personne et je n'avais que cent mètres à parcourir. Je m'élançais presque en courant dans le passage, tout de même pas très rassurée quand d'un coup un homme me bloqua le passage, un sourire dangereux au coin des lèvres. Je n'aurais jamais dut prendre cette ruelle me dis-je. L'homme, la trentaine, me dévisageait avec sa tête de pervers. Je ne savais pas quoi faire. A quoi bon hurler ? Nous étions dans un pays où l'assistance à personne en danger ne se faisait plus beaucoup. Sortir mon portable et prévenir quelqu'un ? Impensable ! J'étais fichue. Celui qui me barrait la route me fixait, toujours muet : plus stressant tu meurs ! Sa main s'approcha de mon visage, j'essayai de m'éloigner puis de me débattre parce qu'il insistait mais je ne faisais pas le poids...

Soudain, l'homme fut propulsé contre le mur sans que je m'en rende compte. Celui qui venait de me sauver lui tordait le bras avec force dans le dos et lui chuchota des paroles qui semblaient menaçantes à l'oreille. Il avait du être convaincant parce que mon agresseur venait de prendre ses jambes à son cou. Pas très farouche cet homme là dis donc. J'avais assisté à la scène, immobile dans le noir.

Je distinguais à peine mon sauveur. Il semblait avoir une veste en cuir noir et avait l'aire assez sexy : les cheveux en bataille, les yeux bleus perçants, le physique type du badboy dans les séries américaines si vous voulez. Vous vous demandez peut-être comment j'ai vu jusqu'à la couleur de ces yeux dans la nuit noire mais je les ai vu. Sous ses airs de bad boy celui qui s'était finalement tourné vers moi avait quelque chose de rassurant.

"- Ca va ?, s'enquit-il

-Oui, oui merci, mais... qui es tu ? Je sais pas, tu sors de nul part et tu me sauves comme ça, je veux dire tu ne me connais pas et ça ne se fait plus vraiment dans le monde dans lequel on vit. T'es un espèce de super héro parisien ?"

Je crus distinguer un sourire sur son visage que je voyais de plus en mal... Peut-être que si je le croisais à nouveau je ne le reconnaitrais pas.

"Gabriel, mais "super héro parisien du soir" me convient très bien aussi ! Tu ferais mieux de rentrer. "

Sur ces paroles il quitta la ruelle comme il y était rentré, en se volatilisant presque. Je n'eu même pas le temps de lui dire au revoir.

 

En savoir plus

Chapitre 2

Chaque jour, je ne pouvais m'empêcher de penser à mon secret. Personne n'était au courant, je ne pouvais compter que sur moi même dans cette histoire. Pas même sur Ambre, ma meilleure amie depuis la primaire. On habitait dans la même résidence, et elle avait été comme une évidence. Nos parents en étaient devenus amis, son appartement était ma deuxième maison et sans être sans le même lycée, on se voyait regulièrement naturellement. Mais elle avait beau être une fille super compréhensive, et attentive aux problèmes des autres, elle était trop terre à terre pour me croire si je lui disais que je voyais les morts et que j'allais dans leur monde. En plus je n'y avais été qu'une fois. Ce n'était même pas la peine d'essayer.

Alors heureusement, une période bénie arriva : les vacances de la Toussaint. Ne rien faire, ne plus avoir à faire semblant, Après avoir liquidé mes devoirs en quelques jours, je me retrouvai face à une drôle de sensation. Si ne plus aller en cours était une bonne chose car je n'étais plus obligée de faire semblant d'écouter, je n'avais pas le besoin de trouver de quoi m'occuper. Mes parents nous avaient trouvés jusqu'en Vendée, histoire que je ne reste pas enfermée dans ma chambre parce qu'il y a toujours un de leurs amis pour habiter notre mobile-home. Du coup, je me suis mise à deux semaines intensives

Toute fois, il me restait un week-end de vacances et j'avais comme un besoin impérieux de me ressourcer, de me purger dans un quotidien pour me calmer. Je suppliais mes meilleures amies de s'organiser une petite sortie, mais Manon, une de mes trois meilleures amies, était en Bretagne. Face à mon insistance pour la voir, elle nous proposa carrément de passer le week-end dans sa maison de campagne. Et c'est ainsi qu'on était parti pour aller à la plage après avoir pris le train le samedi matin, très tôt. Mes parents, d'ordinaire si stricts, avaient accepté sans broncher : je devais avoir l'air vraiment surexcitée. La veille du départ, après une journée à boucler mes devoirs je préparai mon sac à l'arrache en ne prenant que l'essentiel : appareil photo, téléphone et vêtements tout en oubliant le necessaire : le pyjama et la brosse à dents. C'est donc à 10 heures sur le quai d'Auray qu'eurent lieu les retrouvailles que j'attendais depuis deux semaines déjà. Je sautai dans les bras de Manon, brune aux longs cheveux raides et je collai un bisou sur la joue de Marina, tout aussi brune que mon autre amie. Elles étaient mes deux meilleures, sans elle je ne valais pas grand chose et elles étaient toujours là pour me redonner le sourire. Alors oui, ce fut une après-midi de dingues, Marina s'en finissait pas de raconter ses vacances avec un nouveau garçon en perspective pendant qu'Ambre me faisait mourir de rire. Alors j'attrapai mon appareil photo et mon trepied et je testai une nouvelle idée de photo : face à la mer avec mes meilleures amies. Je fus super contente du résultat : cela rendait super bien ! On en essaya d'autres : Marina était très douée en danse classique, alors elle prit des positions improbables qui nous firent mourir de rire. Une bataille d'eau s'engagea, bien sûr je râlais un peu : mon appareil m'était précieux. En rentrant, on avait des étincelles de vie dans les yeux et la mère de Manon nous accueillit en disant : "Ah cette jeunesse ! Quelle vitalité !". Au plus grand plaisir de Marina, une grande mangeuse, une tartiflette nous attendait.

 

On aurait dit que les parents avaient été contaminés par notre bonne humeur : le père, qui avait peut être bu un verre de trop, enchainait blague sur blague. La mère, un peu inquiète, nous envoya nous coucher pour éviter la catastrophe. Alors évidement, on ne fermit pas l'oeil de la nuit. On dit que c'est la nuit que nous sommes le plus honnête : je ne lâchai pourtant pas un mot par rapport à ma situation. Enfin, j'avoue avoir eu le droit à beaucoup de questions sur mon mal être qui semblait visible. Est-ce que ça avait un rapport avec Marc, qui paraissait de plus en plus distant avec moi ? Ou était-ce les rumeurs qui me désignaient comme une première de la classe ? Peut-être le fait que ma famille ne semblait pas aller pour le mieux ?  Je repensai à Dimitri, le garçon qui me plaisait mais à qui je ne l'avouerai jamais : il était proche de tellement de filles j'avais l'impression qu'il jouait avec moi. Donc, pour me protéger je n'avouais à personne mes sentiments, par même à moi-même mais mes comportements ne trompaient personne. C'était comme si mes pieds me menaient sans réflechir à lui et ses beaux yeux bleus. Quoiqu'il en soit, je dois avouer qu'il n'était pas ma priorité en ce moment. Face à mon mutisme, elles abandonnèrent et Manon nous lança sur un autre sujet : son éternel célibat. Après m'être foutue de sa gueule, on parla tout de même du nouveau projet de Manon : écrire une chanson. Je dois avouer que l'intro n'est pas très brillante mais c'est un début : "Oh dear friends, I want to tell you ouhouhouh I need you ouhouhouh I love you ouhouhouh". J'ai essayé de lui expliquer qu'elle ferait une excellente ingénieure mais qu'il fallait laisser tomber la chanson. Le lendemain, après avoir déjeuné de pancakes, on attrapa notre train : il fallait tout de même se préparer pour la rentrée, on était plus en CP !

 

En savoir plus

Chapitre 1

https://www.youtube.com/watch?v=ZaBcs0NEc6w&index=10&list=PLCCF632C039EE3596

Je l'avais revue. Elle était toujours aussi magnifique : même la mort n'avait pas reussi à lui enlever ça. Avec cette pensée, j'émis un sanglot inquiet. C'était inattendu, mais la revoir me rappelait à quel point elle me manquait. Deux minutes me suffirent pour me remettre et une énorme mouvement deni se fit en moi. Les parents n'étaient pas là : je pouvais donner libre cours à ma colère. J'attrapai mon énorme bouquin de mathématiques pour le balancer rageusement à travers la pièce. Puis ce fut comme si le temps s'accélerait, tout ce qui me passait sous la main finissait contre le mur, en une valse folle de papier, oreillers ou vêtements. Ma rage était telle que je ne me rendais pas compte de ce que je faisais. Mon regard tomba sur mon journal intime, grâce auquel j'avais réussi à maintenir la tête hors de l'eau pendant cette période sombre. Le briquet de mon père était posé sur le rebord de la fenêtre, sans hésiter je brulai une à une les feuilles écrite par la fille torturée que j'étais devenue. L'odeur de cendres me ramena à la réalité et, sans prévenir, je fondis en larmes. Des larmes de desespérée cette fois.

Pourquoi moi ? Mes parents, mon frère, si seulement ils avaient eu la chance de la revoir ! Je me sentais coupable, étrangement comme si je ne méritais pas de la voir. Elle me manquait tellement, mais en même temps j'avais déjà eu la pensée que je ne resterais plus dans l'ombre de ma grande soeur. J'avais honte de moi, j'étais accablée pas plein de sentiments contradictoires. Mais peut-être avais-je rêvé ? Pourquoi m'était-elle apparue et que m'arrivait-il ? Je ne comprenais rien à rien. J'avais à peine eu le temps de voir son visage. Cette histoire était comme un couteau qui me frappait au coeur alors que je me sentais peu à peu remise de son absence. C'était comme si on s'acharnait sur moi, qu'on m'entrainait au fond d'un puit.

Virgile a dit que même la blessure vit au fond du coeur. Adèle, ma blessure, j'éprouvais presque un peu de colère contre elle. Quoiqu'il y ait après la mort, elle avait du voir dans quel état elle m'avait laissée. Elle n'avait pas le droit de me faire ça, de me rouvrir cette blessure. Partir sans explication est une chose, revenir sans prévenir en est une autre. Surtout qu'elle ne ne nous sera jamais totalement rendue complètement.

Alors je dus faire semblant. Porter un masque. Comment aurais-je pu regarder ma famille dans les yeux ? Grand-mère en serait morte : j'ai toujours su qu'Adèle était sa petite-fille préférée. Tant de mystères entouraient sa mort et le fait que j'ai pu la revoir ne me donnait pas le droit de toucher au scénario qu'elle avait soigneusement élaboré. A l'extérieur, je restais celle que j'étais devenue depuis sa mort : une jeune adolescente qui se refugiait dans le travail, coûte que coûte et dans les efforts de ses meilleurs amis pour la maintenir à flots. J'avais perdu la foi, mais pas mes raisons de vivre. Je ne le dirais jamais vraiment à mes proches mais si j'avais décidé de ne pas suivre Adèle dans son entreprise c'est bien parce que je savais que certaines personnes avaient trop besoin de moi sur cette Terre. J'aurais préféré que ma grande soeur pense à cela avant de faire le grand saut. Mais au fond de moi-même, j'émettais théorie sur théorie. Quand j'eus fait le tour de toutes les théories possibles, je recommençais, inlassablement. Je lui devais bien ça. J'ai plusieurs fois essayé de retourner dans le monde des morts, de passer ce pont mais on ne m'y a pas acceptée. Cela avait été comme si j'essayais d'enfoncer un mur, pendant plusieurs semaines j'enchainais les tentatives inutiles. Alors je gardais enfouis au plus profond de moi ce secret qui me devorait et que personne n'aurait su m'arracher.

Je fus assaillie par l'insomnie et je prenais des médicaments pour tenir le coup. Tout en faisant semblant de rester comme avant, je n'étais plus que l'ombre de moi-même. Je ne sais pas si ma soeur a essayé de me redonner du courage mais je crois qu'elle a sûrtout réussi à anéantir la force que j'avais retrouvée. Malgré moi, je ne pouvais m'empêcher de lui en vouloir un peu tout en ne pouvant réprimer une curiosité presque malsaine par rapport à son retour. J'achetai un nouveau carnet mais qui ne me servait pas de journal intime cette fois : mes théories étaient écrites nourries par quelques schémas. Lorsque je ne travaillais pas, j'étudiais le cas de ma soeur. Même ma famille trouvait étonnant que je travaille autant ce qui, je dois l'avouer, me vexa un peu. Même le garçon que j'avais en tête depuis quelques mois étaient moins dans mon esprit, je devais vraiment m'en remettre : soit y retourner, soit oublier. Mais la deuxième option semblait si difficile ...

En savoir plus

Prologue

 

 

https://www.youtube.com/watch?v=pWBFbE0YaV8&list=PLCCF632C039EE3596&index=6

Elle avait tout pour être heureuse. Une famille qui comptait pour elle, des amis qui étaient toujours présents et une garçon qui l'aimait. Elle était intelligente : toujours à lever la main en cours ; elle avait de la répartie et elle était capable de se jouer de ses professeurs. Drôle, elle était souvent entourée d'une bande de gens qui étaient accrochés à ses lèvres. Assez jolie, elle avait déjà attiré plusieurs garçons dans les mailles de ses filets. Elle n'était pas parfaite, oh non, elle avait ses défauts. Mais elle avait quelque chose, une étincelle de vie qui la rendait unique. Cette fille, Adèle ma sœur, elle ne me ressemblait pas. Brune aux taches de rousseurs et aux cheveux lisses, tandis que j'étais blonde aux cheveux bouclés. Mes parents étaient tellement fière d'elle, son dix-sept de moyenne depuis le CP, les visites qu'elle rendait régulièrement à grand-mère, à quel point elle aidait à la maison. Adèle, c'était le rayon de soleil de la famille, toujours là pour régler les différents. Elle s'est suicidée le 24 octobre 2010, le jour de ses dix-huit ans.

Pourquoi elle l'a fait ? Personne ne le sait. Elle n'a rien laissé derrière elle. Adèle avait orchestré toute sa disparition. C'était un weekend, j'étais partie à la campagne avec Papa et Maman mais elle préférait rester tranquille à la maison. Nos parents ne pouvaient pas le lui refuser après tout ce qu'elle faisait pour nous. Je ne saurais jamais ce qu'il s'est passé exactement ce 24 octobre mais en partant le vendredi soir je ne m'attendais pas à retrouver ma soeur morte. Elle avait avalé une boîte de médicaments : des antidépresseurs pour être exacte. Tout à l'heure, je disais qu'elle avait tout orchestré parce qu'avant de quitter ce monde elle n'a laissé aucune trace d'elle. Aucune trace de sa vie. Dans chaque album, dans chaque cadre, les photos l'ayant représentée avaient disparus. Son placard, anciennement rempli de toutes sortes de vêtements était vide. Ses cahiers et livres scolaires ne trainaient plus comme à leur habitude sur son bureau. Elle avait tout emporté avec elle et n'avait rien laissé. Pas même une lettre alors qu'elle aimait tant écrire... Ce départ inexpliqué avait anéanti la famille entière. Papa et Maman se disputaient continuellement, le grand frère était tombé en dépression et moi je tournais folle. Après la crise d'hystérie et de larmes que j'avais connue, j'avais finalement pris conscience que j'étais différente. J'étais différente de mes parents et de mon frère parce que malgré la tristesse, malgré l'anéantissement qui me brisait de l'intérieur je savais au plus profond de moi que je reverrais ma grande soeur.

C'est arrivé pour la première fois le 24 octobre 2011. Un an jour pour jour après son suicide. D'abord je croyais m'être endormie et être dans un rêve mais c'était beaucoup trop réel. Le monde où je me trouvais était tout blanc, du moins je le pensais au début. En réalité, la lumière était si vive à cet endroit qu'elle était presque immaculée et un simple humain n'aurait pu voir à plus de cinq mètres. Je n'y voyais rien que des formes d'abord puis des visages avaient commencé à se former autour de moi. Je ne connaissais personne mais eux ne semblaient pas étonnés de me voir : comme s'ils me connaissaient. C'était étrange comme sensation. J'avançais toujours puis finis par me stopper net. Dans la masse qui se trouvait autour de moi je reconnus un visage. Un visage qui malgré sa disparition prématurée je n'avais pu effacée de ma mémoire. Adèle. Elle était là. En chair et en os. Son regard croisa le mien quelques secondes et elle disparu. Au même moment je me retrouvais face à mon exercice de maths dans ma chambre, dans le monde des vivants. Des milliers de questions s'imposèrent alors à mon esprit.

 

En savoir plus
Créer un site internet gratuit Webnode