Chapitre 3

Les cours reprirent : les vacances étaient finis. Comme tous les matins je partais vers huit heure de chez moi et faisais le chemin à pied. J'étais l'une des rares chanceuses à ne pas prendre le métro dans mon lycée. Je ne comprenais vraiment pas comment ils faisaient tous pour faire leurs allers et retours aux heures de pointes. Tous, serrer les uns contre les autres, et avoir besoins de pousser ses voisins pour pouvoirs sortir à la bonne station... Ce n'était vraiment pas pour moi et j'habitais Paris depuis toujours. A huit heure vingt je retrouvais une partie de mes amis à la sortie du métro justement. Quand il pleuvait j'étais la seule tremper voir même dégoulinante, quand il neigeait j'étais la seule à avoir le manteau blanc et quand il faisait un cagnard pas possible j'étais la seule légèrement bronzée enfin si on peut appeler ça du bronzage... Tout est relatif ! Mes amis, eux, montaient les escaliers avec des têtes d'endormis le genre de tête qu'on voit puissance mille dans les wagons du métro... Bref, vous aurez compris je n'aime pas le métro ! Nous avions cent mètres encore à parcourir et nous étions au lycée. C'était un grand bâtiment blanc de sept étages avec des fenêtres rouge. On pouvait voir sur la devanture le nom "Charles Guypé" inscrit en rouge.  C'est un lycée privé, plutôt bonne réputation, cent pour cent de réussite au bac, des élèves qui intègrent les meilleurs écoles vous voyez le genre... Après il n'y a pas de mystère pour y arriver, ils n'y vont pas par quatre chemins, il faut bosser dur et la pression qu'on nous met est tout sauf ridicule. Seules les meilleurs restent. Charles Guypé est dirigé par des soeurs, assez coincées du coup il faut faire attention à tout : les tenus vestimentaires sont vérifiés aux millimètre près, le maquillage au gramme près... J'exagère un peu mais c'est presque ça ! Et bien sûre qui dit bonne soeurs à la tête de l'établissement dit ambiance assez catho autour. Pour ma part, ce n'est pas gênant : je crois profondément en Dieu. Je l'ai découvert réellement il y a deux ans environ et c'est lui qui m'a aidé à tenir quand Adèle est parti. A sa mort, je pensais que je m'éloignerais de Dieu mais ça a été tout l'inverse en réalit... Je suis désolée : il est huit heure vingt cinq, le cours va commencer, je finirais la présentation du lycée plus tard.

La première heure du lundi était toujours la plus pénible. Mes vingt minutes de marche m'avait réveillées mais pas assez il fallait croire pour suivre comme il se doit un cours d'éco donné par madame Leaubois. Ses cours à peine structurés auxquels personne ne comprenait rien étaient un véritable supplice. Sept heures par semaine avec elle vous imaginez. Le pire dans cette histoire je crois, c'est que l'éco, en soit, c'est super intéressant mais elle ne nous fait pas aimer la matière... Après cette heure incroyablement longue j'enchainais avec deux heures de maths. Monsieur Chibazé ! Ce prof était excellent. A mourir de rire vous imaginez même pas. Petit contraste avec Madame Leaubois si vous aviez pas remarqué. Les heures défilaient les unes après les autres avec des récréations entre les deux.

Les récréations se passaient toujours de la même manière, chaque jour de la semaine était destiné à un groupe d'amis différents. Je papillonnais entre les S, les L et les ES. J'avais trouvé une sorte de stabilité. J'avais bien mon meilleur ami Maxime que je ne voyais pas assez à mon gout parce que toujours fourré avec sa copine et pas dans ma classe mais je ne pouvais pas tout avoir. Je ne sais réellement pas comment j'aurais fait sans toutes ces petites têtes à la mort d'Adèle. Chacun, tous autant qu'ils étaient m'avaient aidés quotidiennement à sortir la tête de l'eau alors que je me sentais couler lentement. C'était les amis que tous le monde rêvaient d'avoir. Vraiment. Et je ne lance pas des fleurs facilement... Le schéma : lycée, devoirs, détente, dodo reprenais vite le dessus et ma vie reprenait sa monotonie habituelle.

 

Les semaines passaient et je ne retournais jamais dans ce monde si réel qu'était celui des morts, jusqu'à ce jour de décembre. C'était un jour comme les autres au lycée. Le coin des drogués était comme d'habitude peuplé de toutes sortes de junky. Le coins des pétasses et des mecs à putes comme je les appelaient avaient toujours leur partie de cours réservée et les autres se mélangeaient dans la masse de l'autre côté. La vie était ainsi dans les lycées parisiens. Ce jour là fut riche en émotion : Ambre, amie venait de se faire larguer par son copain. Un conard ! Comme les autres selon moi... Je l'avais retrouvée en pleurs à la sortie du lycée. Nous étions restées jusqu'à dix neuf heures environ à parler devant l'école fermée. Peu à peu les jeunes avaient vidé les lieux. Je n'avais pas l'habitude de rester si longtemps dehors : mes parents allaient m'engueuler mais rendre le sourire à Ambre valait le coup. Je pourrais me prendre toutes les baffes du monde ou me faire confisquer toutes sortes de choses-mes parents étaient inventifs- le sourire de mon amie valait ces sacrifices. Après avoir tourné en ridicule son ex et quelques éclats de rires nous rentrâmes chacune de notre côté. J'avais une vingtaine de minutes dans le froid encore avant d'être à la maison.

Histoire de couper, pour aller plus vite je pris une petite ruelle sur la droite. Mes parents m'avaient interdit d'y trainer mais il n'y avait personne et je n'avais que cent mètres à parcourir. Je m'élançais presque en courant dans le passage, tout de même pas très rassurée quand d'un coup un homme me bloqua le passage, un sourire dangereux au coin des lèvres. Je n'aurais jamais dut prendre cette ruelle me dis-je. L'homme, la trentaine, me dévisageait avec sa tête de pervers. Je ne savais pas quoi faire. A quoi bon hurler ? Nous étions dans un pays où l'assistance à personne en danger ne se faisait plus beaucoup. Sortir mon portable et prévenir quelqu'un ? Impensable ! J'étais fichue. Celui qui me barrait la route me fixait, toujours muet : plus stressant tu meurs ! Sa main s'approcha de mon visage, j'essayai de m'éloigner puis de me débattre parce qu'il insistait mais je ne faisais pas le poids...

Soudain, l'homme fut propulsé contre le mur sans que je m'en rende compte. Celui qui venait de me sauver lui tordait le bras avec force dans le dos et lui chuchota des paroles qui semblaient menaçantes à l'oreille. Il avait du être convaincant parce que mon agresseur venait de prendre ses jambes à son cou. Pas très farouche cet homme là dis donc. J'avais assisté à la scène, immobile dans le noir.

Je distinguais à peine mon sauveur. Il semblait avoir une veste en cuir noir et avait l'aire assez sexy : les cheveux en bataille, les yeux bleus perçants, le physique type du badboy dans les séries américaines si vous voulez. Vous vous demandez peut-être comment j'ai vu jusqu'à la couleur de ces yeux dans la nuit noire mais je les ai vu. Sous ses airs de bad boy celui qui s'était finalement tourné vers moi avait quelque chose de rassurant.

"- Ca va ?, s'enquit-il

-Oui, oui merci, mais... qui es tu ? Je sais pas, tu sors de nul part et tu me sauves comme ça, je veux dire tu ne me connais pas et ça ne se fait plus vraiment dans le monde dans lequel on vit. T'es un espèce de super héro parisien ?"

Je crus distinguer un sourire sur son visage que je voyais de plus en mal... Peut-être que si je le croisais à nouveau je ne le reconnaitrais pas.

"Gabriel, mais "super héro parisien du soir" me convient très bien aussi ! Tu ferais mieux de rentrer. "

Sur ces paroles il quitta la ruelle comme il y était rentré, en se volatilisant presque. Je n'eu même pas le temps de lui dire au revoir.